Machinima : du Shakespeare avec des Lego
"Super Space Gordon a tout ce qui fait la différence entre les bons machinimas et les mauvais : bons montage, doublage, et ne se prend pas trop au sérieux ou éxagère certaines choses, décontracté mais engageant à la fois. Ce n’est pas une bible, ni une fanfic et définitivement pas un mauvais travail" - ArcMinuteLight. Pourquoi mettre ce commentaire youtube en guise d’introduction ? Il nous est favorable certes mais l'auteur a surtout compris à travers le film notre vision du machinima.Comprendre ses outils…
L’humain communique grâce à la parole et au langage corporel : la gestuelle, la position du corps, les expressions faciales. On peut transmettre beaucoup de messages grâce à son corps sans même dire un seul mot.
Si en machinima, la parole n’est pas un gros soucis, le langage corporel en prend un sacré coup entre les animations limitées et les visages inertes voir carrément absents. Ce handicap n’est pas à prendre à la légère. La bande dessinée qui est un art visuel, a recours énormément au langage corporel et aux expressions du visage. Un dessin complexe comme un dessin extrêment simple d’une poignée de lignes peuvent véhiculer une même expression. C’est ce qui fait la force et la diversité de la bande dessinée.
Bien qu’ayant le son, le machinima n’a pas cette chance dans le visuel. Certains jeux s’en tirent mieux que d’autres mais encore une fois que le design soit simple ou complexe les possibilités sont limitées(*). Les animations dans les jeux vidéo sont créées pour ces jeux et non pour raconter l’histoire que le machinéaste a en tête. Se contenter de montrer bêtement ces animations inapropriées pour exprimer des émotions complexes est une erreur. Le machinimaker doit manipuler ces animations grâce à la mise en scène, le montage, le cadrage et le doublage pour se rapprocher le plus possible de l’émotion qu’il veut transmettre.
Prenons l’exemple de Disney et leur premier long métrage Blanche-Neige et les Septs Nains. Les animaux sont des personnages secondaires et font pratiquement parti du décors et pourtant ils ont plus de personnalités dans leurs designs, dans leurs expressions que les héros de beaucoup de machinimas.
Evidémment, le machinima est basé sur la transformation. De plus l’animation et le character design personnalisés ne sont pas à la portée de chaque machinéaste. Cependant négliger ce fait lors de la création d’une grande épopée ou d’une histoire complexe reviendra forcément à faire du Shakespeare avec des Lego.
Les machinimakers ont pour habitude de se reposer sur le doublage et la musique en pensant que ça va sauver le reste et émouvoir le spectateur. Ces éléments ne sont pas des caches-misères ! Le son et la vidéo sont un ensemble dans un film et chaque partie ne doit pas être négligée, surtout si le but est d’aller plus loin qu’amuser la galerie.
… Pour être plus pertinent.
Aujourd’hui le public des machinimas est engendré en grande partie par les communautés des jeux utilisés. Les machinimas à succès parlent soit de l’univers du support soit de la communité à de rares exceptions près comme Red vs. Blue. Les machinimakers n’essayent pas d’élargir leur public. Ils recopient bêtement ce qui a déjà été fait soit dans la communité soit à la TV/Internet. Certains vont jusqu’à volontairement brider leurs outils pour plaire à un public et ramasser plus de vues facilement. Par conséquent, le machinima sur beaucoup de jeux n’a pas évolué depuis ses débuts malgré les possibilités élargies offertes.
Les sites se voulant transversal comme Machinima.com et Machinigamers.com en France devraient pouvoir dégager le machinima de ces tranchées de communautés. Le premier étant une entreprise, a vite compris que ce sont les communautés qui rapportent du clic et exploite ce filon depuis le changement de direction. Néanmoins le but d’une entreprise étant de croître, les communautés de jeux précis restent des niches et aujourd’hui les channels de Machinima.com sont abreuvés de trailers de films/jeux et de show en tout genre pour élargir le plus possible le public. A tel point que le nom “Machinima’' n’est plus du tout approprié et les machinimas ont l’air d’être une tare pour cette société.
Machinigamers a des intentions peut-être plus respectables mais n’est pas forcément mieux loti. Le forum du site et ses utilisateurs n’exploitent absolument pas cette transversalité. La plupart viennent de la même communauté TheMovies et utilisent les mêmes outils : TheMovies, GTA IV, Moviestorm. Ils ont tous un point de vue similiaire. Mais même en incluant les autres issus des communautés de jeux, personne ne remet en cause quoique ce soit. Exactement comme dans les autres groupes de fans, les créateurs sont complaisants entre eux et veulent rester dans leurs petits mondes. Les débats y sont donc évités. Dommage que ce soit l’intérêt même des forums.
Tout ce contexte fait que les machinimakers n’ont ni l’envie ni l’intérêt vis-à-vis de la popularité d’essayer de se sortir de ces communautés. Ainsi le machinima recycle ad nauseam les mêmes recettes et l’originalité n’est jamais abordée. Si un machinimaker veut progresser ses seules issues sont de prendre un maximum de recul sur le jeu utilisé, ses films, confronter ces derniers à un public non initiés aux jeux et d’essayer de comprendre les médias proches comme le cinéma, le jeu vidéo, la BD.
Le machinima n’est pas un moyen cheap de faire du cinéma ou des cinématiques de jeu vidéo. Le machinima est un genre qui a ses propres limites dictées par le support utilisé. Ces limites sont à prendre en compte à toutes les étapes de la production, de l’écriture du scénario jusqu’à la diffusion. L’intérêt du machinima est d’exploiter voir dépasser les limites de l’outil tout en s’extirpant un maximum de l’univers de cet outil pour raconter une histoire qui est propre au créateur.
La série Super Space Gordon a son univers déjanté propre à mille lieux des militaires sérieux d’Halo. Nous gardons en tête les spécificités et les limites du jeu, de l’écriture jusqu’à la diffusion. Les personnages ne sont pas des Hamlet mais ils sont efficaces et en accord avec leurs design simples. Nous jouons même sur le fait que les armures soient uniformes qu’importe le sexe du protagoniste. Le cadrage est autant utilisé que le doublage et la musique pour transmettre les émotions. Ainsi un personnage sûr de lui remplis le cadre contrairement à un personnage incertain ou confu. Nous utilisons également des gags visuels qui n’ont pas recours aux animations in-game mais misent sur des effets de montage. Sans trop d’effort, un non initié à Halo peut donc comprendre aisément les aventures de Super-G et un fan d’Halo peut découvrir quelque chose de nouveau. La série n’est ni une bible, ni une fan fiction mais un divertissement pour un public plus large qu’une élite.
Notes :
* Source Filmmaker et ses animations personnalisées pousse cette limite plus loin. Ca ne veut quand même pas dire que les limites n’existent plus.
L'illustration en bannière du billet vient de la reproduction d'une scène d'Inception en Lego par Alex Eylar.
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