La fête du cinéma
La fête du cinéma fait partie des rares événements (avec mon anniversaire et la sortie d’un film des frères Coens) que j’attends tous les ans avec impatience. C’est un peu les soldes pour amateurs de cinéma : on s’y précipite sans trop réfléchir, on se rue sur des films douteux qu’on ne serait jamais allé voir au tarif plein pour, au final, s’apercevoir que l’on a dépensé un pognon relativement dingue (25,50€ dans mon cas) par rapport à ce que l’on est usuellement prêt à dépenser pour voir des films. Mais bon à quoi bon vivre dans un système capitaliste si on peut pas se faire rouler dans la farine avec entrain de temps en temps ?
Die Welle
Assez étrangement et contrairement aux productions Britanniques, le cinéma Allemand passe rarement de notre côté de la frontière. C’est pourtant dommage puisque malgré les quelques déconvenues (l’insupportable Mein Führer ou le très usant Lola Rennt) c’est souvent l’occasion de découvrir des petits chef d’œuvre d’inventivité et d’originalité qui évitent le nombrilisme du cinéma français sans tomber dans le grand spectacle outrancier Hollywoodien. Une sorte de cinéma du milieu qui contient des perles comme la Vie des Autres, Good Bye Lenin, ou de l’Autre Côté, films malheureusement dévoyés par les enseignants d’Allemand prompts à les assèner sans modération à des élèves pas forcément intéressés, mais ça c’est une autre histoire…
Die Welle (La Vague) est donc le dernier Film en date a avoir franchi le Rhin pour notre plus grand plaisir. Un prof légèrement rebelle (T-shirt des Ramones, Crane Rasé et tutoiement), se fait refiler le thème de l’autocratie pour la semaine du projet de classe. Souhaitant rendre la chose plus vivante il décide de tenter une expérience : est-il possible d’instaurer une nouvelle dictature en Allemagne au XXIe siècle ? De l’esprit de groupe bon enfant au sectarisme et de l’uniforme anodin à la violence, les travaux pratiques semblent rapidement échapper au professeur…
Faux film politique, vrai film générationnel, Die Welle porte un regard très intéressant sur une jeunesse Allemande paumée prise en sandwich entre une éducation trop laxiste et un rapport flou à l’holocauste arrivé deux ou trois générations plus tôt et dont on aimerait encore leur faire sentir le poids. Quelque part entre PingPong et Knallhart, Die Welle brasse quantité de thèmes forts et importants pour les jeunes comme la violence, la drogue, l’intégration, le contexte économique... Toujours avec justesse et légèreté. Le réalisateur fait monter la sauce à grands coups de réalisation dynamique (oubliez vos a priori sur Derrick, le cinéma Allemand est bien plus jeune que le nôtre) et d’acteurs sensibles. Il réussi à placer en filigrane son véritable message : tout problème de groupe est avant tout une compilation de problèmes personnels.
Une vraie réussite qui, loin d'accuser la jeunesse, montre également bien dans une Allemagne en proie au doute vis à vis de la violence, que les fêlures de chacun ne peuvent être imputées au groupe.
Etreintes Brisées
Bon Almodovar, je ne vais pas m’en défendre, je ne suis pas un fan absolu. Ses histoires de chroniques sociales populaires (ou pas) portées par des actrices à fort caractère ont, certes, un véritable charme mais peinent un peu à se renouveler. Pour ce nouvel épisode (le 31e en 35 ans quand même !) le monsieur nous fait même le coup de la mise en abime : un réalisateur passionné (autoportrait ?) réalise au milieu des années 90 un film (diablement almodovarien d’ailleurs) dont le personnage principal est la femme d’un riche homme d’affaires, dont le fils, entre temps devenu homosexuel, cherche à se venger 15 ans plus tard en proposant de réaliser un film dont le scenario devra être écrit par le réalisateur, entre temps devenu aveugle, du premier film aussi amant de la femme de son père dans le temps.
Compliqué ? Oui et encore là j’ai fait la version light, celle du film dure plus de deux heures et se répand en détails sur la vie des uns, des autres et même de ceux qui ne servent pas à grand chose. On en retient donc surtout une critique romancée des producteurs espagnols capables de ruiner un film en remontant sauvagement pour venger quelques histoires de fesses.
Pourtant et malgré tout on a beaucoup de mal à ne pas aimer ces étreintes brisées notamment grâce à la toute puissance de Penélope Cruz qui illumine littéralement le film passant du statut de secrétaire à celui de poule de luxe pour finir femme puis amante. Son rôle d’actrice est également une occasion en or pour Almodovar de jouer avec son actrice fétiche, au summum de sa beauté, on la croise donc successivement Marilyn Monroe, Audrey Hepburn, puis, enfin, personnage almodovarien par excellence avec ses non dits, ses silences pesant et ses grands yeux troublants. Enfin c’est aussi l’occasion lors d’une troisième partie de film de découvrir l’ile de Lanzarote où les amants prennent la fuite dans ces paysages volcaniques superbes et chaotiques qui rappellent, si besoin était, la solitude des amants seule pointe de douceur dans le désert de la violence.
Sunshine Cleaning
Il y a trois ans le cinéma indépendant américain avait pris un sérieux coup de fouet avec un petit film plein d’enthousiasme porté par des acteurs sympas et filant instantanément la pêche à tous ses spectateurs : Little Miss Sunshine. Ont suivit d’autres films du même type traitant de problèmes sociaux avec une philosophie de vie positive comme l’excellent Juno.
Aujourd’hui les producteurs de Little Miss Sunshine tentent de refaire un gros coup avec ce Sunshine Cleaning.
Persuadée d’avoir raté sa vie, une jeune mère célibataire et femme de ménage lance, un peu par hasard, sa boite de nettoyage de scènes de crime avec sa sœur, un marché qui se révèle plus lucratif qu’il n’en a l’air.
Les années ont passé mais Little Miss Sunshine continue d’habiter les esprits, ceux des producteurs aussi visiblement tant les références et autres parallèles y sont nombreux. Pourtant le contexte social et économique a évolué et la manière de l’apréhender aussi. Ainsi l’action prend place à Albuquerque, la ville d’origine dont parlent sans cesse les protagonistes de Little Miss Sunshine, sauf que cette fois on ne s’en échappe pas au profit des beaux paysages ensoleillés du sud des États Unis : on y reste pour de bon, dans la grisaille, la nuit et la misère s’il le faut. A l'instar du père dans LMS, l’héroïne est adepte de la philosophie du ‘je suis une winneuse’, mais cette fois personne n’y croit vraiment et jamais cela semble peser positivement sur le sort. La famille désaccordée et pourtant plutôt unie de LMS laisse place à une ombre de famille décomposée où la grand mère est morte, le père absent, et l’amant marié. Alan Arkin joue un rôle de grand père bienveillant et allumé étrangement similaire au coach d’Olive de LMS, mais l’addiction aux drogues dures très rock’n roll attitude et synonyme de paradis artificiels a cédé sa place à la pauvreté bien plus réaliste d’une personne âgée qui doit magouiller des ventes de popcorn ou de crevettes pour payer un cadeau à son petit fils. Petit fils qui, soit dit en passant, n’est plus vainqueur de concours de beauté mais indécrottable rêveur viré pour la nième fois de son école primaire. Et d’une manière général, le glauque des situations que sont amenées à rencontrer les nettoyeuse n’aide pas une ambiance réjouissante.
Pour autant les thèmes forts de LMS sont toujours présents comme cette obsession de la carrière toute l’américaine (excellente séquence de la Baby Shower), la beauté dans la diversité des profils, la survie à travers la fuite etc.
Au final on se retrouve avec le pendant sombre de Little Miss Sunshine, moins motivant mais aussi moins superficiel, le film réussi à ficeler une chronique sociale sans pathos ni fausses notes. Un bien joli diptyque.
Looking for Eric
Bizarrerie parmi les bizarreries, le nouveau Ken Loach s’impose comme un ovni dans la carrière du réalisateur.
Un peu déboussolé, un peu dépassé par les événements, Eric, un postier de Manchester, manque de se tuer en roulant à contre sens. S’il a évité l’accident en voiture, le contre sens il le vit depuis une vingtaine d’années, depuis qu’il vit seul avec deux beaux fils qui se font une joie d’accumuler les conneries. Ancien rocker de talent, il est resté sur le carreau d’une ville qui ne bouge pourtant pas bien vite, continuant à parler tout seul le soir à son poster d’Eric Cantona à la belle époque de Manchester United. Jusqu’au jour où Cantona lui répond.
Tout d’abord je tiens à préciser que je ne suis en aucun cas fan de Football, je pense même pouvoir dire sans trop déformer la réalité que c’est quelque chose dont j’ai profondément horreur. Pourtant ici, et contrairement à Maradona by Kusturika ou Zidane un portrait du XXIe siècle, le foot n’est pas un vrai sujet. Tout commence même plutôt classiquement pour un Ken Loach avec ces splendides portraits réalistes de classes laborieuses britanniques, si propres au réalisateur. Eric, le postier, ère entre ses gueulantes et son boulot, ses emmerdes et ses désillusions, l’œil hagard et la barbe d’une semaine. Ses feignasses de fils s’embarquent dans des magouilles trop grosses pour eux et son ex femme pèse sur lui jusqu’à lui couper le souffle.
Pourtant la chronique social n’est pas aussi désespérée que d’habitude et Cantona, footballer atypique s’il en est en intervention quasi divine, et à l’accent impayable offre quelques très jolies interventions à base de proverbes et autres dictons.
L’affrontement de ces deux personnages aux univers si distants mais aux conversations si déstabilisantes de naturel rend le tout particulièrement curieux et nous entraine dans un monde où le foot se révèle être une philosophie de vie à part entière et où chaque coup d'éclat sur le terrain trouve son pendant dans la vie réelle.
La dernière partie du film, elle, semble définitivement sombrer dans un gigantesque délire flottant sur une superstar hors du temps qu'interprètent une centaine de postiers anonymes, le temps d'une intimidation qui tient plus de la farce que du vent se lève. Puis sans plus d'explications Cantona (le vrai), encore plus mystérieux, laisse le héros les pieds sur Terre, et le spectateur conquis.
Cinéma | BlueHunter | 06 juillet 2009
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