Petites reflexions
"Qu’est-ce qui fait qu’on fait du machinima?
- J’en sais rien moi, aucune idée m’sieu
- Est-ce la volonté de s’approcher au plus près des conditions idéales de tournage ? Est-ce l’espoir de réaliser ses idées les plus folles et tirer partie des incroyables possibilités offertes par la technologie moderne pour donner vie à des univers inédits ?
- Ça et une carte d’acqui !
- Vous plaisantez mais sans doute avez vous raison."
Tel aurait pu être le dialogue fruit d’une conversation entre les frères Coens s’ils avaient été un poil plus porté sur les jeux vidéo. Non pas que je sois là pour casser du sucre sur le dos de mes confrères (une fois n’est pas coutume diront les mauvaises langues), mais plutôt pour m’interroger réellement sur ce qui nous pousse à en arriver là. Car en regardant un peu autour de moi (en France ou à l’étranger d’ailleurs), je trouve que la plupart des gens qui font du machinima (et qui peuvent en tirer un certain succès) n’ont comme unique objectif que de ‘raconter une histoire’, ho bien sûr pas que ce soit particulièrement mal, ou répréhensible. Je me dis juste que si l’on a aucune autre envie que de ‘raconter une histoire’ il me semble qu’il existe des moyens bien plus flexibles et bien plus profonds que le machinima.
L’analogie avec le cinéma est donc ici particulièrement judicieuse : Fait-on un film pour ‘raconter une histoire’ ? Je me plais à croire que le Roman, la nouvelle, la BD pour peu que l’on sache dessiner, coïncident nettement mieux avec la volonté d’une narration.
Prenons le cas de Halo, non pas qu’il soit particulièrement représentatif, mais c’est le seul que j’étudie d’assez près pour ne pas dire trop de conneries. Halo donc, et on sera tous d’accord sur ce point, dispose d’un univers plus réfléchi et cohérent que la moyenne. Un univers qui paraît d’autant plus riche que le jeu le bride. La narration du premier Halo souffre en effet d’un manque singulier de continuité, on passe d’une mission à l’autre, de la plage à la neige sans vraiment savoir le pourquoi du comment. On n’assiste pas à la vie au camps, à l’organisation des humains sur l’anneau ou à quelque communications que ce soit. Ni même, et c’est à mon sens un choix artistique délibéré, à la genèse de son personnage.
Prendre un univers sur le vif, à un instant t, immerger le joueur et le faire s’identifier au personnage principal au point de lui ôter toute personnalité et toute caractéristique distinctive (il n’a même pas de visage !). D’un point de vue de l’histoire donc, c’est assez faible, au niveau du jeu, du gameplay (et c’est bien là l’intérêt de la chose), c’est en revanche d’un niveau exceptionnel. Le jeu n’est donc pas là, pour ainsi dire, pour raconter une histoire.
Les livres (premiers produits dérivés du jeu) sont donc rapidement apparus pour exploiter cette faille. Reprenant l’univers à son compte Eric Nylund y a développé une véritable histoire précédant le jeu. Pire encore les floods, deuxième roman adapté d’Halo par Wiliam C. Dietz se permet même de reprendre la période de jeu d’Halo, et trouve matière à développer tout un bouquin (pas forcément bon, mais cet avis n’engage que moi...) sans repomper le jeu. Le livre, le roman et la nouvelle sont donc bien des moyens de raconter une histoire.
Les premiers bouts d’essai de film réalisés par Neill Blomkamp présentaient quant à eux respectivement une fabrique d’armes et une scène de combats marines vs covenants. Ils essayaient de capturer une ambiance propre au jeu, de montrer comment les prises de vue réelles pouvaient donner de l’ampleur à un concept purement virtuel. Pourtant ces bouts de vidéo n’étaient en aucun cas présents pour raconter une histoire, ils en étaient dépourvu des caractéristiques les plus essentielles comme un début, un développement et une conclusion.
Mais où veut-il en venir au juste ?
Au fait que transposés au monde de l’amateurisme, les romans sont de la fanstory et les films sont du machinima.
Le machinima offre donc la possibilité de raconter une histoire bien sûr, mais pas uniquement et pas de manière optimale. Et c’est sans doute la raison pour laquelle les machinima actuels peinent à réellement décoller, c’est parce qu’ils sont réalisés par des gens qui veulent raconter une histoire (fut-elle excellente) sans avoir la moindre sensibilité vis à vis du cinéma (qu’ils considèrent d’ailleurs comme l’art exclusif de raconter une histoire). Pour s’en convaincre, il suffit de voir à quel point ces messieurs sont décontenancés dès qu’on les prive de la sacro sainte ‘histoire’.
Pis encore, cette histoire qui leur est si chère (en tout cas plus que l’Histoire du machinima sur laquelle ils s’assoient joyeusement) ils ne peuvent la concevoir autrement que par le dialogue. Voilà pourquoi on se retrouve aujourd’hui avec des films bavards, mais d’un bavard ennuyeux, aux antipodes du bavardage d’un Tarantino, ludique à souhaits. Chaque parcelle de scénario doit alors être expliquée, détaillée et négociée entre les personnages.
Tant que les machinéastes français n’essayeront pas d’exploiter les outils qu’ils ont entre les mains pour construire leurs films autrement que par le scénario, et donc par le dialogue, ils n’arriveront pas à dépasser la mise en image d’un texte.
Et ceci, ne peut en aucun cas être considéré comme un film.
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