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Ouais, mais c'est quand même un bon jeu !

Ouais, mais c'est quand même un bon jeu !Il y a un truc qui m'a toujours attiré, n'en déplaise à ma copine, ce sont les losers. Les perdants, les ratés. Quel que soit le contexte, quelle que soit la forme, j'ai toujours eu un faible pour les faibles, pour ceux qui n'atteignent jamais leur but. C'est ce qui fait que j'aime tant les personnages des films des frères Coen, c'est ce qui fait que j'apprécie tant les séries comme The Office ou Parks & Recreation, c'est ce qui me pousse à vouer un double culte à Scott Pilgrim. C'est aussi quelque chose qui me fait souvent miser sur le mauvais, sur le petit, à choisir le perdant presque par défaut.

C'est quelque chose qui a notamment beaucoup influencé mon expérience des jeux vidéo puisque je n'ai pas commencé avec une méga-drive ou une snes comme la plupart de mes amis, ni même avec une Playstation comme toute ma génération. Ma première console était une Sega Saturn. La deuxième une Dreamcast. Quand vous avez 14 ans et certainement pas les moyens de changer de plateforme ou d'acheter des nouveaux jeux régulièrement ça forge une culture en jeux assez particulière. Je n'ai donc pas grandi avec les Final Fantasy, Tomb Raider ou autres Resident Evil. Si aujourd'hui je tente de combler ces lacunes, c'est toujours un brin circonspect que je tombe sur un nouvel épisode ou un reboot de série prétendue 'culte' pour le restant de ma génération.

Si je raconte tout ça aujourd'hui c'est parce que j'ai terminé hier ce que metacritic classe, avec 98% de note moyenne, comme le plus grand jeu de tous les temps : Grand Theft Auto IV, et que j'ai franchement détesté.

Alors pourquoi revenir maintenant sur un jeu sorti en 2008 ? La vérité est que j'ai récemment déménagé, et que je n'ai désormais plus accès au Xbox Live. J'ai donc pris sur moi pour terminer quelques vieux jeux solo que je n'ai jamais pris le temps de finir, et en tête de liste figurait majestueusement GTA IV, acheté soigneusement à sa sortie il y a trois ans et demi et jamais terminé depuis. Mis à part le pack III + Vice city sur Xbox, je n'avais jamais vraiment touché à la série pourtant plébiscitée par tous mes petits camarades, et lorsque la planète jeu vidéo expliquait de manière unanime que GTA IV est ce que l'on fait de mieux en termes de d'amusement virtuel, j'ai plongé tête baissée dans le traquenard de Rockstar et ai joyeusement déboursé 70€ pour me payer le flambant jeu de gangster next gen.

GTA1
Ho oui, les combats au corps à corps, une vraie horreur !



Ce qui est intéressant de noter c'est qu'à l'époque je n'ai pas particulièrement eu quoi que ce soit à redire sur le jeu. J'ai rigolé un peu, j'ai fait une dizaine d'heures de campagne (d'après ma sauvegarde récupérée) et... et puis c'est tout en fait. Je n'avais pas râlé plus que ça sur le jeu en lui même mais je n'ai jamais ressenti le besoin d'y revenir, ni pour compléter la campagne solo, ni pour découvrir le multi-joueur. Le jeu m'a laissé un peu de marbre et m'avait surtout donné l'impression de souffrir du même défaut que tous les GTA : on laisse vite tomber les missions pour foutre le boxon en ville. Problème : pour foutre le boxon correctement il faut des grosses armes, que l'on n'acquiert qu'en avançant dans la campagne solo. Impasse. Rien à voir. Circulez.
Malgré mon penchant pour l'écriture de critiques de l'époque, je n'ai pas poussé plus loin et je suis effectivement passé à autre chose sans même regretter mon achat.

Aujourd'hui je vieillis, je manque de temps et aussi un peu d'argent et j'essaye de tirer profit de tout ce que je peux, et j'ai été pris d'un vrai sentiment de culpabilité en voyant la boite de ce jeu à peine entamé. Et c'est plein d'espoirs que j'ai décidé de relancer ma partie en 2011.

Et là, le choc.

GTA2
Niko, un héros qu'il aurait pu être bien. Mais bon !


Le jeu est tout simplement mauvais. Sur tous les points. Et pas qu'un peu.
Attention, j'ai pris soin de ne pas évaluer les qualités techniques du titre. Je ne me base donc pas sur le framerate poussif qui donne l'impression de jouer à un jeu en bullet time constant, ni sur la sur-utilisation du motion blur qui rend le jeu également beau avec ou sans lunettes de vue, ni même sur le clipping constant qui fait poper des arbres, des bâtiments et des textures dès que l'on se déplace un peu rapidement (dommage pour un jeu basé sur les bagnoles).
Non je veux dire mauvais sur les points où il est censé être bon : Les phases de shoot sont ringardes au possible avec des bots cons comme leurs pieds qui n'ont en général que deux comportement à savoir tirer ou rester caché. La jouabilité est toujours à la rue avec un mapping du pad proprement délirant (LB pour ramasser un objet, sérieusement ?). Le système de couverture est absolument ingérable dans la mesure où il place constamment le joueur à découvert, dos aux ennemis. La gestion de l'inventaire vient d'un autre âge où il était nécessaire de faire défiler toutes les (nombreuses) armes une par une afin d'arriver à l'outil désiré. Les grenades ne sont pas gérées par une touche à part, pas plus que le coup de crosse (inexistants). Les sauts sont une calamité sans nom qui font perdre du temps et de la vie. Les niveaux intérieurs sont tous désespérément vide avec un level design qui se limite à placer ou non un escalier en bout de couloir. Le feeling des armes est inexistant puisqu'une rafale de mitraillette ne fait que perturber mollement les ennemis. L'auto-visé a le bon goût de toujours locker l'ennemi le plus improbable d'un lot. Etc. etc.
Bref, on est quand même très proche de ce qui fait le charme d'un FPS russe nourri aux hormones.
Le truc c'est que comme dans un FPS russe le tout est particulièrement frustrant. Ho pas spécialement dur hein (les ennemis étant -je le rappelle- cons comme leurs pieds), mais juste très mal réglé. Pour une raison qui me dépasse totalement les developpeurs n'ont pas voulu inclure d'auto-save dans les missions ce qui pose deux conséquences directes : D'abord la plupart des missions sont ultra-courtes et donc assez peu intéressantes puisque sans enjeu et sans tension, d'autre part les quelques missions longues du jeu deviennent abominables car re-essayées encore et encore.
Je suis sans doute un peu manchot du pad et ma vue n'est plus aussi bonne qu'elle le fut, mais les statistiques m'annoncent un ratio d'environ 50% des missions recommencées. Voilà on a des missions idiotes, qui n'impliquent pas le joueur et qui sont recommencées en boucles parce qu'une moto a décidée de rebondir bizarrement, parce que le lock auto a joué les folles du désert, parce que le temps de choisir son arme et le héros était déjà mort.
Mais le côté vicieux ne s'arrête pas là puisqu'une fois mort, si l'on décide de recommencer (non sans se farcir deux temps de chargement permettant de montrer Niko sortir de l'hôpital), on se retrouve dans une mission entièrement rebootée (les ennemis respawnent, les PNJ et objectifs également), mais avec les munitions que l'on avait avant de mourir, son bouclier envolé et sa vie réduite de moitié. En plus de n'avoir aucun sens, cette fonction rend les missions de plus en plus dures à mesure que le joueur perd. Et j'ai beau retourner le truc dans tous les sens, je ne vois vraiment pas ce que ce système peut apporter de positif à l'expérience.

Et attention, parce qu'avant de râler j'ai quand même regardé ce qui existait à ce moment là.
Et bien sachez que c'est avec un peu de surprise que j'ai redécouvert que le gameplay proprement dégueulasse de GTA intervient plus d'un an après la sortie de Gears of War. Oui oui, celui là même qui a redéfini le cover-TPS. Miséricorde...

GTA3
Ça a l'air fun comme ça hein ? Et bien non !


Alors on va me répondre que GTA, c'est avant tout une histoire. Ok, parlons-en de l'histoire. Le héros est donc Niko, un immigrant fraichement débarqué d'Europe de l'Est qui va tenter sa chance dans le milieu du crime New-Yorkais. Il est atypique, gueule cassée et accent louche et lance des petites piques cyniques à tout va. Parfait, un héros un peu malin qui remet en perspective le rêve américain à travers son frère et ses employeurs, ça ne peut pas être mauvais ! N'est-ce pas ? Hein ? Hein ?
Et bien si, parce que malgré tout son potentiel, Niko n'est jamais réellement utilisé à bon escient par les scriptwriters qui le cantonnent du début à la fin à un rôle d'homme de main grotesque et dispensable.
Alors même que le jeu puise son inspiration dans les films noirs de Martin Scorsese, il en oublie la structure globale (ascension, apogée, déclin) et n'offre à son personnage aucune réelle progression dans le monde de la pègre.
Et c'est sans doute l'une des plus grosses limites de la structure en open world du jeu : aucune mission ne semble plus intéressante ou plus engageante qu'une autre : elles sont toutes pensées pour que le joueur puisse les faire dans l'ordre qui lui plait. Il est donc totalement impossible à la vision d'une mission choisie aléatoirement de savoir si elle se situe au début, au milieu ou à la fin du jeu. Après une vingtaine d'heures au compteur, j'étais encore cantonné à la récupération de voitures pour le compte d'untel ou d'untel. Bordel, après autant d'heures de jeu, autant de gens tués et autant d'argent amassé ce sont les autres qui devraient aller chercher mes voitures !

GTA4
Et si le meilleur coup de Rockstar était avant tout marketing ?



Alors j'ai aussi entendu dire que les dialogues, l'ambiance et tous les personnages rendent l'univers intéressant. Les dialogues ont objectivement deux caractéristiques : 1/Ils sont tous ultra-vulgaires 2/Ils se terminent tous par 'Va buter cet enfoiré!'. Les persos ne se construisent pas à travers de longues missions, ils sont pris sur le vif le temps d'un briefing qui est toujours calqué sur le même modèle :
*Etat des lieux de ce qui se passe -> Un ponte de la mafia a un problème.
*Exposition de la personne qui pose problème -> Un ponte de la mafia insulte copieusement un tiers.
*Explication de la mission à venir -> Un ponte de la mafia explique à Niko ce qu'il devra faire.
*Fin du brief -> Niko maugré plus ou moins et accepte.

Sans compter que la plupart des méchants pontes de la mafia sont quasiment identiques (minorité, envie de s'énerver et langage de charretier), on comprend vite que ni les dialogues ni les personnages ne relèvent franchement le niveau de l'intrigue générale. L'ambiance quant à elle est plus ou moins calquée sur tous les films de genre, mais il m'a tout de même été particulièrement difficile de comprendre l'intérêt de se taper 30h de dialogues à la con appliqués à des personnages mal modélisés et à l'animation désastreuse quand un petit scorsese explose le tout en 3h de film.

GTA5


Au final et après discussion avec des 'fans' de la série et de l'épisode, j'ai cru comprendre que l'argument d'autorité semble avoir la part belle. Tout le monde ou presque admet volontiers les faiblesses du jeu, mais la plupart d'entre eux de conclure 'ouais, mais c'est GTA, c'est donc un bon jeu!' comme si la relation allait de soi. Et c'est sans doute là le tour de force majeur de Rockstar au fil des années. Non pas de proposer des jeux complètement révolutionnaires capables de provoquer des sensations extrêmes chez le joueur, ni même de conter une histoire digne des meilleurs films de genre. Mais plutôt de bercer tout le monde dans l'illusion qu'un GTA, c'est nécessairement un bon jeu.
Dommage, car c'est loin d'être le cas.

Jeu Vidéo | BlueHunter | 10 octobre 2011
tags : jeux, video, gta, IV, pastop

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